Temps de lecture : « moins d’un quart d’heure »
Temps passé en rédaction et recherches diverses : 3 heures
Nombre de cappuccino bus durant la rédaction de cet article : 1
Titre original : The Last question
UN EXTRAIT MARQUANT
« Adell and Lupov finally managed to escape from the public functions, and to meet in quiet where no one would think of looking for them, in the deserted underground chambers, where portions of the mighty buried body of Multivac showed. Unattended, idling, sorting data with contented lazy clickings, Multivac, too, had earned its vacation and the boys appreciated that. They had no intention, originally, of disturbing it. »

Columbia Publications, Inc. - First Edition edition (1956)
« Son histoire préférée - et de loin - parmi toutes celles qu’il a écrites » : voici en quels termes Isaac Asimov lui-même évoque dans une préface tardive cette nouvelle qu’il fit paraître pour la première fois en 1956. Nous voilà prévenus. En particulier pour ceux qui apprécient déjà sa plume, ses robots, et sa psychohistoire. Ou peut-être davantage pour ceux qui, justement, n’en seraient pas friands.
Cette Dernière question se présente sous forme d’une nouvelle très courte, d’une dizaine de pages, et, donc, d’une interrogation lancée à l’ordinateur de fiction Multivac et ce, dès l’ouverture de l’histoire. Intrigués ? Il y a de quoi !
EN PARLANT D’INTRIGUE …
C’est en 2061 que s’ouvre la nouvelle, alors que deux techniciens du Multivac s’apprêtent à poser à ce dernier, pour la première fois, la Dernière question. Pas de révélation intempestive, nous sommes ici aux phrases introductives du récit. Et quelle est-elle, cette dernière question ? Et bien, c’en est une bonne. Car en effet, le Multivac n’est pas un ordinateur de salon. Non, il s’agit du plus puissant outil de calcul et de prévision, auto apprenant à partir des données qu’il collecte ou lui sont apportées par l’humanité, bref, une sacrée machine, plus ou moins omnisciente. Que demander à une telle source de connaissance ? Que lui demander, qui méritera ensuite que le grand Isaac Asimov en écrive une nouvelle ? Ce que nous pouvons vous révéler, c’est qu’il ne s’agit pas de l’une de ces questions fondamentales qui jalonnent nos vies, tout autant que celles des hommes de fiction : « mais où sont donc passé ces satanées clés ? », « fera-t-il vraiment beau le week-end prochain ? » ou encore « quel sera le prochain tirage du loto ? ». Non. Et, sans vous gâcher le plaisir de la découverte, sachez simplement que la thématique tourne autour de l’avenir de l’univers, et de l’humanité. Sérieux, ces hommes de fiction ? Parfaitement !
Parce que oui, qui dit « poser à ce dernier pour la première fois », dit aussi qu’il y en aura d’autres, des fois, où cette question sera posée. Et d’autres temps, et d’autres acteurs, et d’autres… Mais stoppons-là, l’objectif de cet article n’est pas de vous résumer l’histoire, mais plutôt de vous donner envie de la découvrir par vous-même.
CE QUE J'AI APPRÉCIÉ A PROPOS DU RÉCIT
Habituellement, je n’aime pas les nouvelles. Voilà, c’est dit. Et assumé. Le récit me semble souvent trop court pour que le lecteur réussisse à s’y plonger totalement. Ou alors, quand c’est malgré tout le cas, quelle frustration de devoir tourner la dernière page si vite.
Et pourtant, nous sommes bien là, vous, à lire, et moi, à écrire, une critique positive de cette Dernière question. Je le reconnais volontiers, le texte d’Asimov est d’une efficacité redoutable ; et plusieurs lectures du texte m’ont toutes laissées la même impression. Ce dernier fait exactement la bonne longueur. Les mises en situations sont rapides, conceptualisées et développées au juste besoin, et nous sommes à chaque fois, dès les premiers mots, plongés au coeur du récit. Les situations suivent par ailleurs un ordre chronologique qui s’éloigne de nous, mais suit la croissance, la vie pourrions nous écrire, du Multivac. Quant au twist final, il est sans doute encore plus original si l’on se rappelle que la nouvelle est parue en 1956, mais tout à fait percutant à quelque époque qu’on lise le récit, aussi pertinent qu’impertinent oserais-je. Un de ces twists qui étirent votre sourire imperceptiblement d’un côté de votre visage (le gauche, en ce qui me concerne) et vous fait songer : « Évidemment. Mais malin. ». Un de ces twists qu’on peut à la fois pressentir, mais qu’on lit en ayant pourtant eu l’impression de se faire avoir.
Une chaleureuse recommandation donc ? Et bien, oui. D’autant plus que le récit est rapide à lire, et qu’il permet de s’évader dans bien des ailleurs, ce qui n’est pas du luxe actuellement. Pour ma part, et parce que ce court texte d’Asimov me laisse tout de même un petit goût de « pas assez », je m’en vais redécouvrir la Fin de l’éternité. Mais ceci, lecteurs, est une autre histoire…
ET DU COUP, CETTE NOUVELLE PEUT ILLUSTRER …
La nécessaire capitalisation de l’information.
Au fur et à mesure de son existence, Mutlivac collecte et analyse des données, toujours plus nombreuses, mais nécessairement pertinentes, afin d’accompagner au mieux l’humanité. Lorsqu’une question lui est adressée, il tente d’y répondre en s’appuyant sur l’information dont il dispose déjà en stock. Ainsi, Multivac capitalise de l’information, dont il estime qu’elle pourra lui être utile plus tard, sans en être parfaitement certain. C’est bien le principe qui sous-tend l’activité des archivistes et autres manager de l’information : vous accompagner dans la constitution d’un patrimoine informationnel capitalisé, dont on suppose avec une forte probabilité qu’il pourra vous être utile, et à vos successeurs, par la suite. Et à la question “ ne serait-il pas plus simple de tout capitaliser, on verra plus tard ce qui nous aura servi ? “ La réponse est double : qualitative d’une part, quantitative de l’autre. Même le Multivac ne saurait produire des analyses pertinentes à partir d’informations erronées ; et par ailleurs, contrairement à l’humanité d’Asimov, nous sommes encore loin de pouvoir compter sur un ordinateur planétaire, galactique, universel, ou même cosmique pour analyser nos masses de données. Tant que nous ne serons pas entrés dans notre propre ère de science-fiction, il nous faudra continuer à capitaliser notre information de manière quantitativement raisonnable.
Les bienfaits de la méthode dite PDCA (plan-do-check-act).
Illustrée par la Roue de Deming (insérer lien wikipedia ?), cette méthode de conduite de projet consiste à enchaîner en boucle quatre étapes (planifier, agir, vérifier, corriger) jusqu’à ce que l’objectif soit atteint. Ici, pour tenter de répondre à chacun des protagonistes lui adressant cette fameuse Dernière question - toujours la même, donc -, Multivac compile à chaque fois les données en sa possession à un instant “t”. En vain. Mais le récit se déroulant, comme on l’a dit, de manière chronologique, les données qu’il analyse sont toujours plus complètes que lors de la tentative précédente, et, si les premières se soldent par un échec, arrive finalement ce qui doit bien finir par arriver et … vous lirez la suite.
ET PARCE QUE DEUX AVIS VALENT MIEUX QU’UN…
Prétendre être tombée par hasard sur cette nouvelle ne serait pas honnête ; en réalité, on m’en a conseillé la lecture. Qui ? Celui à qui je cède la parole ; nul doute que ses arguments vous convaincront autant que moi.
« 42 » ?
Et bien non, comme vous pouviez vous y attendre la réponse n’est pas 42. Déçus ? Non. Vous saviez déjà tous que nous ne cherchions pas la réponse à la “grande question sur l’univers, la vie et le reste” du Guide du voyageur galactique de Douglas Adams. Non. Ici nous posons bien la question au Multivac. Ce dernier s’inscrit d’ailleurs dans l’univers d’Asimov comme un authentique personnage : il réfléchit, parle et évolue. Quelques diodes de plus et il pouvait jouer dans une production Disney. En outre, Asimov en fait un acteur récurrent de ses nouvelles en le faisant apparaître dans pas moins d’une quinzaine de ses récits.
L’élément qui vous a pas été livré pour l’instant, pourtant devenu culte, est la réponse retournée par le supercalculateur. Condensée en cinq mots mieux qu’en cent, la voici : « INSUFFICIENT DATA FOR MEANINGFUL ANSWER » (Pas assez de données pour retourner une réponse porteuse de sens). Franchement quel data analyst ou statisticien n’a pas rêvé de sortir cette réplique en pleine réunion avec l’aplomb d’une machine informatique de la taille d’un continent ?
Hein ? Vous vous demandez si j’ai spoilé la fin (spoil : pratique consistant à gâcher, intentionnellement ou non, la fin d’un film, d’une série ou de n’importe quel récit réclamant plus de deux minutes d’attention) ? Non. Non non, cette réplique n’est pas la réponse à la dernière question. Vous pouvez immédiatement vous mettre à lire la nouvelle pour en prendre connaissance, en gardant quelque part dans votre computation que nous sommes, au moment de l’écriture, dans les années 50. Cela peut avoir son importance.
Bonne lecture !
Ps - Vous aimez les ordinateurs de la culture pop, au cinéma ou en littérature ? Si oui, consultez l'article Les ordinateurs fantastiques pour faire la connaissance de 4 comparses du Multivac.
Ps 2 - Vous ne souhaitez pas attendre aussi longtemps pour obtenir des réponses porteuses de sens ? Vous vous questionnez sur les résultats que vous obtenez de vos investissements en Big data au point de douter de votre stratégie data ? Vous souhaitez passer du Big data aux smart data sans passer par les cases Data swamp ou « INSUFFICIENT DATA FOR MEANINGFUL ANSWER » alors n'hésitez pas à nous contacter en ce sens.